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===  20h00… ===

 Le visage marqué par les traces du canapé sur lequel il a dormi toute la journée, Joakim s’éveille lentement puis se frotte les yeux en baillant comme un enfant. La vache, il n’avait jamais autant écrasé qu’aujourd’hui et il ne l’avait pas senti venir. Il était tombé comme une pierre ! Ses yeux le picotent d’ailleurs encore un peu et il s’étire longuement, encore engourdi par sa journée de sommeil. Qu’est-ce que cela pouvait faire du bien, décidément, de dormir ainsi après tant d’heures d’affilées ! Un rapide coup d’œil en direction de sa montre lui indique l’heure et sur le coup, le jeune homme ne comprend pas qu’il soit seul en salle de recherches, à cette heure-ci. Mais où étaient donc les autres et pourquoi ne bossaient-ils pas ? Qu’à cela ne tienne, il n’était pas là pour se préoccuper de leur conscience professionnelle, mais plutôt pour se souvenir de sa sœur. Ni d’une ni de deux, il se précipite dans la chambre de la concernée en réprimant de nombreux bâillements. Dur, dur, le réveil ! Il aurait bien dormi deux ou trois heures de plus !

 Une fois arrivé à destination, Joakim peut constater que sa cadette est bien entourée de ses parents et que tout le monde lui sourit affectueusement, à grand coup de « -Heey, le plus beau est arrivé ! – On s’impatientait ! – Il est des noootres ! ». Écourtant les politesses et salutations des siens, Joakim se dépêche de lancer à sa sœur,

– Alors, tu as fait ton choix ? Tu dois faire vite, il faut commencer à te traiter de la bonne façon. Est-ce qu’ils t’ont expliqué ce qui allait se passer ensuite ?!

– Comment est-ce que tu sais ce que j’ai, toi ? S’étonne aussitôt Erika en blêmissant vu qu’elle n’est pas au courant du rôle que son frère a joué dans sa guérison. Pudique, elle ressent énormément de gêne que son frère aîné puisse tout savoir au sujet de son hermaphrodisme..

– Tu vas te faire opérer alors ? Demain ? Ils t’ont programmé ton opération ? Ajoute Joakim en ignorant la question de sa cadette puisqu’il la juge inutile à la conversation. N’ayant pas dormi énormément après son incroyable marathon sans sommeil, il a les nerfs à fleur de peau.

– Elle a choisi d’être un garçon, intervient Raphaël et juste avant de se faire seconder par son épouse,

– Même si on ne sait pas vraiment pourquoi ! Et toi, tu as bien dormi ? Tu es assez reposé ? Tu as une petite mine !

– Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ! Tu es une fille, Erika ! Gronde furieusement Joakim, les sourcils froncés en direction de sa cadette, – qui est-ce qui t’as manipulée pour te faire faire un choix aussi pourri ?! Tu n’as pas pu choisir ça pour toi ! Alors pour qui le fais-tu, hein ?!

– Je le fais pour moi, que ça te plaise ou non, grince froidement Erika, vexée, – et si tu avais du cœur et pensais à chose qu’à ta gueule pour une fois, tu me soutiendrais. Mais c’est sûr que soutenir et appuyer les autres, ça, tu ne sais pas faire ! Le don de soi… Tu ne connais pas! Terminant sa réplique, l’adolescente ricane avec ironie. 

 – P.. Pauvre conne ! Cingle Joakim, choqué, tout en ressortant de la chambre en trombe, fou de rage. Son idiote de sœur les cumulait toutes, décidément !

 Derrière lui et autour d’Erika, Raphaël et Éva n’attendent pas pour gronder leur fille, l’air sévère et autoritaire,

– Dis donc toi, pour qui te prends-tu ?! Tu auras intérêt auras t’excuser auprès de ton frère, commence Raphaël, très en colère,

– Et plutôt deux fois qu’une, le seconde Éva, comme toujours, – parce que si tu es tirée d’affaire aujourd’hui, sache que c’est uniquement grâce à lui. Tu lui dois la vie !!!

– D’un côté, c’est vrai qu’elle ne peut pas savoir, reprend Raphaël en le réalisant, – mais ta mère a raison, Erika, ton frère t’as sauvé la vie.

– Même en ne sachant rien, elle ne devrait jamais se permettre de lui cracher des trucs aussi abjects ! insiste Éva, vraiment en colère, – Quand on sait tout ce qu’il fait pour elle !

 – Comment ça ? Qu’est-ce qu’il a fait ? Ne comprends pas Erika, réellement sceptique sur le coup, pour ensuite mourir de honte et fondre en larmes dès que les longues tirades de ses parents finissent de tout lui révéler.

 – Oh mon dieu, pourquoi je lui ai dit ça, pourquoi, balbutie t-elle ensuite, en larmes, – il ne me le pardonnera jamais…

– Mais si ma chérie, la réconforte aussitôt Éva -tu lui feras un gros câlin en lui demandant pardon et voilà !

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Encore sous le coup de la colère, folle de rage et de détresse et peu après que son ancienne meilleure amie ait pris ses clics et ses clacs pour libérer le plancher et détaler de chez elle, Trisha qui a besoin de se confier, n’hésite pas une seule seconde pour appeler Noah dans le but de tout lui révéler. Elle a besoin d’un allié, d’un ami, de crier avec quelqu’un, de critiquer voire d’insulter et de se faire soutenir par une personne qui ressentirait autant de peine qu’elle en moment et se fiche de trahir qui que ce soit. Si des clans devaient se lever ce soir, elle serait leader de la révolution !!!! 

Pendant ce temps, Joakim détale en direction de la sortie de l’hôpital pour en sortir et ne pas y revenir, furieux contre sa sœur cadette. En chemin, un homme travaillant pour l’un des plus grands laboratoires de recherches l’interpelle soudain pour essayer de s’entretenir avec lui quelques instants. 

L’homme souhaite en effet mettre le grappin sur le fameux génie qui avait alimenté beaucoup de conversations à l’hôpital, ces derniers jours. 

Sa proposition envers Joakim est plutôt alléchante ; en clair, il lui offre un cursus complet dans une école du MIT pour jeunes HPI « haut potentiel intellectuel » située à New-York. Cette institution a des places limitées et des exigences incroyables pour y entrer et Joakim y serait comme un poisson dans l’eau, dans cet établissement, car la poignée de jeunes qui en sortent sont toujours destinés à des avenirs glorieux, ce sont eux qui façonnent le monde… Les artisans de l’évolution, en quelques sortes.

La seule condition pour que Joakim ait immédiatement une place dans ce cursus, c’est qu’il s’engage à signer un contrat d’embauche à durée indéterminée avec le laboratoire qui lui offre cette opportunité.

Il commencerait à travailler pour eux dès la fin de son incroyable formation.

 Toujours sur les nerfs et de très mauvaise humeur, Joakim n’a, sur le coup, pas vraiment envie de se pencher sur la question, mais il prend toutefois la carte de l’intermédiaire, Mr Douglas Villar, en promettant au concerné de réfléchir à tout cela…

 *

Désormais seule au monde et ne sachant plus à quelle porte frapper pour croiser un allié, quelqu’un chez qui se précipiter, Amy fonce chez son manager et c’est valise en main que celui-ci la trouve devant chez lui, sur son perron, les yeux pleins de larmes et un air de détresse gravé sur le visage. Elle tremble sur place et sanglote silencieusement, l’air complètement désemparé.

– Amy ? Quelque chose ne va pas ? S’inquiète-t-il alors sans attendre.

Aïe. L’homme visait juste avec sa question et l’adolescente explosait bruyamment en sanglots. Que quelque chose n’aille pas ? Non. Puisque c’était sa vie entière qui partait en fumée ! Elle pleurait sans interruptions, d’abord sur le perron, seule au monde, puis à l’intérieur de la maison de son manager, dans le creux de ses bras où elle se blottissait pour y trouver de l’aide.

 Anéantie, elle craquait et lui racontait tout, dans plusieurs tirades maladroites et presque inaudibles, car entrecoupées de bruyants sanglots et reniflements.

 – Tri.. Trisha me hait, No.. Noah va me haïr, Joakim va me mépriser. L’ensemble des Drifterz me cracheront dessus, ce connard de Kristofer à détruit ma vie !!!

 L’adolescente ne s’arrêtait plus et Richard ne savait plus quoi lui dire pour la faire se sentir mieux, alors, dans une ultime tentative, il lui propose soudain,

– Tu sais, si vraiment, tu crains de côtoyer tes anciens amis, j’ai encore un pied-à-terre en Utah, alors si ça te dit, on pourrait s’y rendre quelque temps. Le temps que tu te ressources loin de L.A., tu verras, le coin est magnifique, et les conditions seront optimales pour qu’on se recentre sur ta carrière, loin de tout ce qui te fait souffrir. Est-ce que ça te dit ? De faire un break ?

– Je.. Je.. Mais c’est possible ? S’interloque Amy, surprise, tout en ravalant ses larmes, – co.. Comment… ?

– Eh bien, il suffit de prendre l’avion, tu sais, ces grosses machines qui volent dans le ciel !

– Arrête de te moquer de moi !!

– Désolé, sourit Richard avec amusement et avant d’ajouter, l’air serein, – en tout cas, si ça te tente, on part quand tu veux.

– Ce soir, c’est possible ?

– Hein ?! Si vite ?! Attends, il faut qu’on s’organise quand même ! Que je prévienne la prod ‘ et tout !

– Tu m’as dit que c’était quand je veux !!

– Certes… Abdique Richard en ouvrant le clapet de son ordinateur portable, – Bon eh bien, je vais voir si on peut avoir deux places dans le premier avion en partance pour Saint-Georges.

– Merci Richard… Recommence à sangloter Amy alors que son manager pianote déjà son clavier,

– Y a pas de quoi, fillette.

*

Au même moment, un vieil homme suffoque au chevet de sa fille adoptive. Très faible et entre deux vertiges, il prononce ses dernières paroles tandis qu’une ambulance appelée par Ashelia est déjà en route, et ce, malgré que Garett lui ait soupiré que cela ne servait à rien qu’elle se donne cette peine. Il savait bien que quoiqu’il soit tenté, il ne verrait plus le soleil se lever à nouveau.

Il paraît qu’on le sait, lorsque c’est la fin…

– Ma chérie.. Écoute-moi.. Tu vas prendre l’enveloppe dans ma table de nuit de gauche et te rendre à l’adresse inscrite dessus, mais tu ne vas pas l’ouvrir…. Je t’interdis de l’ouvrir, tu m’entends ?.. Elle n’est pas pour toi.

– Arrête de parler, tu dois rester calme en attendant qu’ils arrivent.

– Promets-moi de te rendre à l’adresse et de lui donner la lettre, sans essayer de la lire, promets-le-moi Ashelia, promets-le-moi…

– Qu’est-ce que tu as encore fait, tu es allé trouver l’adresse de l’autre connard et tu veux tout lui dire sur moi, c’est ça ? Je t’ai déjà dit que je ne voulais rien savoir de lui, que je m’en fous de lui ! Et puis ça sert à rien, car tu vas t’en sortir, arrêtes juste de parler et attends patiemment en te reposant. Ils ne vont plus tarder.

– Non, c’est fini Ashelia, je le sais. Alors promets moi d’aller là-bas et de lui donner la lettre sans la lire toi-même, je compte sur toi. Ne me laisse pas mourir dans l’angoisse de te laisser seule, je t’en prie, c’est ma dernière volonté, respecte ça !!!

– J’entends l’ambulance, je vais aller leur ouvrir, renvoie Ashelia sans se préoccuper des paroles de son père de cœur. Il était inconcevable pour l’adolescente qu’elle le perde aujourd’hui, cela ne pouvait pas se produire et elle ne voulait pas l’imaginer. Il était vieux et malade, certes, mais il n’était pas encore bon pour la casse. Il avait encore de longues années devant lui et ça, Ashelia le savait ! Que sous ses rides et son air abîmé par la vie, il y avait encore de la ressource ! Elle croyait en lui, car c’était un battant ! Il en avait vu d’autres dans sa vie bien remplie et il était certain que dans quelques jours, il serait remis de tout ça. Ils en rigoleraient ensuite tous les deux, de ce délire de donner une lettre à un abruti.

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Encore sur les nerfs à cause de la puérilité de sa sœur et ayant été loin de tous ses proches pendant plus de quatre jours, le premier réflexe de Joakim est d’aller chez Noah. Il a besoin de le voir, passer du temps avec lui, savoir ce que son ami a bien pu faire pendant tout ce temps ! Mine de rien, ce sale blond lui a manqué et le fait que le concerné ne l’ait pas une seule fois contacté, même pour lui rappeler le championnat de Breakdance, inquiète légèrement Joakim. Son allié d’enfance lui reprocherait-il quelque chose ? Aurait-il un poil de cul défrisé ? C’est en baillant à s’en décrocher les mâchoires que le jeune Bauer pénètre dans le hall des Beckers, 

 – Hey ! Fait-il très vite en voyant la tête de Noah arriver vers lui, l’air assez sombre. L’expression de Joakim change alors. Il perd son entrain et devient sceptique,

– Quelque chose ne va pas ? 

Ce coup-de-poing, Joakim ne l’avait pas vu venir et l’impact est tel qu’il en trébuche d’un pas en arrière sous la surprise.

Face à un autre, Joakim aurait immédiatement eu un mouvement de protection pour saisir de sa main gauche le bras de son agresseur afin de retourner la situation en reprenant l’avantage dans la seconde, mais ce soir, il s’agissait de Noah Beckers. Un ami que Joakim respectait bien trop pour tenter quoique ce soit contre lui. La gestuelle de corps prouvait d’ailleurs l’infini respect qu’il lui portait, mais cela, Noah ne le saurait jamais. À ses yeux, celui qu’il frappait n’était que la pire des raclures au monde. Alors que s’il l’avait voulu, Joakim en aurait des confettis, de ce Breakdancer plus doué en Parkour qu’en combat de rue. 

Un peu sonné, Joakim n’a pas le temps de prononcer quoique ce soit à son cousin et ami que celui-ci lui crache soudain avec une haine bien palpable,

– Tu vois, ce qui me fait le plus mal dans l’histoire, ce n’est pas qu’elle m’ait trompé, mais surtout que ce soit avec toi qu’elle l’ait fait. Comment as-tu osé, Joakim ? Me faire ça à moi. Tu sais, je ne l’ai jamais cru quand on me disait que tu étais quelqu’un de mauvais et manipulateur, j’ai toujours été de ton côté… Je me disais que tu étais capable du pire avec n’importe qui, et même en comprenant que tu as mis en taule un mec pour protéger Hajer, je ne veux pas en savoir plus, parce que ça ne m’intéresse pas, parce que je suis ton allié avant tout, et le reste ne m’a jamais importé, même quand tu ne me calculais plus, que tu vivais ta vie avec Kristofer ou d’autres, et tu le sais tout ça hein, mais malgré tout, tu m’as trahi, moi ? Pourquoi ? On a grandi ensemble, on est cousins, on est même les meilleurs amis du monde, on a tout vécu ensemble depuis qu’on est mômes… Alors comment as-tu pu… ? C’est juste ça que je ne comprends pas. Comment est-ce que tu peux être aussi intelligent et à la fois aussi con ? 

 – Je peux savoir qui t’as mis des idées pareilles dans la tête ? C’est Amy ? Hajer ?! Marmonne Joakim en se massant la mâchoire ; diantre, son cousin avait tout de même une poigne de fer !

– Peut importe, c’est fini Joakim, tu es mort à mes yeux. Je lâche l’affaire avec toi. Tu es seul avec ta grande intelligence, désormais. Désolé, je peux plus, tu me donnes envie de gerber.

– Arrête, c’est n’importe quoi ! Tu sais bien que c’est des conneries !!

– La connerie de ma vie, c’est d’avoir été trop longtemps à tes côtés. 

Sur ce, Noah s’éloigne pour monter au premier et disparaître de la vue de son cousin et ex-meilleur ami, le cœur emplit d’un mélange de haine et détresse, tandis que Joakim le voit sortir de son champ de vision en sentant un gouffre sans fond s’ouvrir sous ses pieds. 

Ce n’était pas possible, ses yeux et ses oreilles lui mentaient.

Il ne pouvait pas le perdre, pas lui… 

Cover my eyes // Ce que je vois
Cover my ears // Ce que j’entends
Tell me these words are a lie // Dis moi que ces mots sont des mensonges

It cant be true // Ca ne peux pas être vrai
That I’m losing you //Que je te perds
The sun cannot fall from the sky // Le soleil ne peux pas tomber du ciel..

Can you hear heaven cry // Entends-tu le ciel pleurer?
Tears of an angel // Ce sont les larmes d’un ange…
Tears of aaaaaaaa…

Tears of an angel
Tears of an angel

L'Améthyste