~ 012 ~

Temps de lecture : 3 minutes

 

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Le lendemain… Au Los Angeles Highschool et pendant la pause de la matinée, Joakim se presse vers son ami Hajer Riahi pour l’interpeller : 

— Hey, tu ne sors pas ?

En effet, les deux interlocuteurs ont pour habitude de prendre l’air pendant les intercours, mais, malgré cette routine, l’un des deux acolytes semble rester assis devant un cahier ouvert, aujourd’hui. Alors que d’ordinaire, il n’en redemande jamais après les cours !

— Flemme, répond le brun à la barbe taillée avec soin, en tournant à peine la tête dans la direction du châtain clair aux pupilles vertes ; des couleurs héritées de son paternel.

— Que lis-tu ?

Joakim pose cette question en jetant un coup d’œil furtif sur le carnet de son ami.

— Je suis bientôt à la fin de mon roman, informe fièrement Hajer, avec cependant une anxiété palpable au creux de la voix.

— Tu n’as pas l’air convaincu.

— Est-ce que tu voudrais être mon relecteur ? Demande timidement Hajer. Je ne l’ai encore fait lire à personne et j’aimerais un avis solide, sincère, de quelqu’un en qui j’ai pleinement confiance…

Oui. Beaucoup pensent la même chose de Joakim Bauer, car dès qu’un souci s’annonce à l’horizon, une angoisse, une crainte quelconque, un besoin d’aide, peu importe le domaine, tous ont l’habitude de l’appeler à la rescousse. Voilà pourquoi Noah l’a souvent affublé du surnom « Superman ».

— Si tu veux, mais après on sort.

La critique tombe très vite. Joakim n’hésite pas une seule seconde à lui révéler, huit minutes à peine plus tard, que son héroïne est une Mary Sue, que les événements de son roman restent lisses et que son livre ne possédant ni trame ni squelette, il a eu l’impression de suivre la vie fade d’une poignée de débiles. Choqué et furieux, Hajer réagit en arrachant son cahier des mains de son ami. Il est outré et lui en veut de le rabaisser ainsi ! De n’avoir feuilleté ses pages que pendant quelques misérables minutes, perché sur une table de façon désinvolte, pour le descendre en flèches ! Pour qui se prend-il ? Lui qui n’a même pas essayé de lire correctement son histoire, de se concentrer, de s’investir suffisamment pour pouvoir se permettre de donner un avis respectueux ! En si peu de temps, il ne pouvait saisir l’essence de son scénario !

— J’en ai lu assez pour pouvoir juger.

En réalité, Joakim a lu la totalité de l’ouvrage de son camarade.

— C’est bon, va chier. En huit minutes, tu n’as surement pu lire que le premier chapitre ! Allez, on sort, ça vaut mieux, j’ai envie de fumer une clope.

— Si tu veux, acquiesce Joakim en suivant son ami à l’extérieur de la classe.

~ 013 ~

Temps de lecture : 3 minutes

 

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Quelques heures plus tard et alors que Joakim revient vers sa salle de classe pour entamer ses cours de l’après-midi, juste après la pause déjeuner, Amy l’interpelle en agitant vivement sa main droite dans sa direction :

— Hey, Joakim ! Tu as deux minutes ? 

— Ça dépend, pourquoi ? se méfie-t-il immédiatement.

Il déteste se voir ainsi alpagué dans les couloirs du lycée, surtout par cette naine insupportable d’une tête de moins que lui.

— Samedi, on sort avec Alex et Aïdan ! Du coup, avec Trisha, on se demandait si tu voulais te joindre à nous ! Propose sereinement la blondinette en adoptant une pose sensuelle.

Cette attitude afflige le jeune Bauer qui sait son aversion pour son interlocutrice réciproque. Quelle comédienne ! Le fait qu’elle fasse aujourd’hui un pas vers lui pour l’inviter lui donne la nausée. 

— Non merci, sans façon.

Amy ne se laisse pas déconcerter et reprend en souriant d’un air mignon et innocent :

— Oh allez ! On est tous dans la même classe, mais on ne se connait pas tant que ça. Remédions à ça ! Peut-être qu’on pourrait apprendre à s’apprécier !

— Mais où est-ce que tu as vu que je souhaitais te connaitre ! lui crache-t-il avec mépris, tournant vivement les talons vers deux amis qui discutent de l’autre côté du couloir, Hajer Riahi et Alex Taylor.

Son éloignement rapide met brutalement fin à la conversation.

— Putain, mais c’est quoi ton problème à toi ? Va te faire foutre, allez ! lui crie-t-elle à son tour, désormais en colère.

Pour une fois qu’elle fournissait un effort pour essayer de se créer une nouvelle opinion sur ce crétin, voilà qu’il l’humiliait de la sorte ! L’estomac de la demoiselle s’en retourne. « Mais pour qui se prend-il, ce minable ? Il n’est même pas si beau que ça, en plus ! »

Elle s’empresse d’aller grogner ses malheurs à sa meilleure amie qui la réconforte sans attendre.

— Quel connard ! soupire son alliée rousse, blasée elle aussi par le manque de savoir-vivre du jeune Bauer.

Amy confirme ses dires. « Plus jamais elle n’essaiera d’agrandir son cercle de connaissances avec le premier cloporte du coin » ! Elle en bouillonne, mais les deux copines finissent par en rire.

~ 014 ~

Temps de lecture : 4 minutes

 

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En fin de journée, Tiphanie Cobain rend visite aux Bauer, sans son doux époux ni sa progéniture ingrate, car ses hommes préfèrent continuer « The Walking Dead », plutôt que de l’accompagner pour passer un moment auprès de cette branche de la famille qu’elle apprécie énormément.

Et pour cause, Éva reste la fille de son défunt frère, Kylian Gutter, parti trop tôt d’une overdose. Une star de la musique qui a mal tourné, selon les médias de l’époque. Il entrait à peine à l’âge adulte lorsque le drame se produisait et n’a jamais connu ses jumeaux, mis au monde par Vanessa Beckers.

Tiphanie se sent donc terriblement proche de ses rejetons et les considère comme ses propres enfants.

Voilà pourquoi elle et son époux, Kurt Cobain, venaient résider à Los Angeles, eux aussi. Tiphanie désirait construire son foyer auprès de ces derniers liens familiaux. Ainsi, elle élèverait son Andréas aux côtés des progénitures de son cadet décédé…

La proximité entre les Cobain et les Bauer se révèle importante et ce soir, Tiphanie souhaiterait en user. Elle prend rapidement à part l’ainé des héritiers Bauer. « Joakim, qu’elle n’a décidément pas vu grandir ! » Elle doit désormais lever les yeux pour lui parler et cela l’amuse, car elle lui a changé ses couches, à l’époque ! « Dieu que les enfants poussent vite », songe-t-elle, saisie par une soudaine émotion nostalgique.

— Coucou, mon lapin, ça va ? Je ne te dérange pas, j’espère ? Tu étais en train de bouquiner, je crois.

— Non, t’inquiètes. Qu’est-ce qu’il y a ?

— J’aimerais te parler d’Andy… Et vu qu’il est très souvent avec toi.

— Je comprends, il est vrai que son état reste préoccupant. Quand il fait une crise, c’est toujours surprenant.

— Quand il fait quoi ? se fige aussitôt Tiphanie en pâlissant à vue d’œil devant un interlocuteur satisfait par une réaction recherchée.

— Tu n’étais pas au courant ? Tu me diras, c’est logique, il ne va pas tout te répéter, mais nous, on a l’impression que son asthme empire.

— Je ne comprends pas ! Il semble tellement bien en rentrant à la maison que je…

— Il te ment beaucoup ! l’interrompt Joakim en la sentant perdue et stressée. Il doit être terrifié par la possibilité que tu l’empêches de rester avec le groupe, mais sincèrement, si tu veux mon avis, il faut agir, car j’ai très peur pour lui.
 
— Oh lui, alors ! Il va m’entendre !
 

L’agacement de la sexagénaire grimpe en parallèle de sa détresse et de sa déception alors qu’elle réalise la folie de son enfant.

— Ne le laisse plus traîner avec nous. Ajoute fermement Joakim, impassible. C’est le seul moyen de le préserver, car il veut tout le temps nous suivre, aussi bien en breakdance que pour des parkours ! 

— Je ne peux vraiment pas lui faire confiance ! Oh, qu’est-ce qu’il m’énerve ! râle Tiphanie, affolée par le comportement de son fils. Il faut que je trouve un moyen, car il ne me pardonnera jamais que je lui interdise de vous rejoindre… 

Elle visualise en effet et avec douleur la désagréable scène qui se déroulera lorsqu’elle tentera d’empêcher son rejeton de retrouver ses amis…

— Il va sans doute ne pas apprécier, mais c’est pour son bien ! reprend Joakim avec indifférence, et je dois te laisser, car j’ai des révisions qui m’attendent. Désolé…

— Oh, pas de souci, travaille bien mon grand ! Je vais aller voir ta mère un peu, avant de rentrer.

Joakim sourit à son interlocutrice, puis détale dans sa chambre. 

L'Améthyste