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Temps de lecture : 3 minutes

– Non Joakim, ne dis pas ça, c’est de la mienne, je.. Je n’aurais pas du…

– C’est de ma faute, car j’aurais dû te tuer de mes mains dès que tu as tenté de t’en prendre à elle, mais je t’ai sous-estimé, tu es tellement insignifiant que je t’ai sous-estimé, alors que tu venais d’essayer de la faire tuer… Mais j’ai laissé courir, parce que tu ne me fait pas peur… débite mécaniquement Joakim, toujours dans un état second,

 – Je.. Je.. En balbutie de terreur Kristofer, subitement paniqué à l’idée que son ami soi au courant de sa tentative d’assassinat sur Trisha Hill. Prenant les devants, il fond de nouveau en larmes, – Joakim, tu sais à quel point je tiens à toi, et tu le sais, que je suis tellement désolé… 

 – C’est de ma faute, c’est de ma faute, je me suis fait échec et mat par le bouffon du roi, moi, moi… J’ai plus de 180 de QI et j’ai été battu par un truc pareil… Poursuit Joakim dans un semi délire psychopathe en trébuchant à moitié sur la petite table du salon, – échec et mat.. Par toi… Mon sous-fifre… Game Over, à cause de toi, la misérable larve…

Plus blessé et humilié que jamais, Kristofer ne réagit pas aux insultes de son ami. À la place, il pleure encore et s’excuse en boucle. Il s’en veut tellement… Tandis que Joakim continue de le rabaisser en lui rappelant à haute voix à que point il ne valait rien, mais que c’était justement pour ça qu’il avait réussi à l’atteindre…

– C’est dingue que ta nullité te permette de gagner des batailles… Tu es tellement inutile que tu peux gagner grâce à ça, on te sous-estime…

– Je t’aimais et ça m’a rendu fou.. Mais jamais je n’aurais cherché à te blesser, je.. Je te le jure.. Tu comptes trop pour moi pour que je veuille te faire du mal, crois moi je t’en pries…

– Espèce de… de…Tu… Tu m’as retiré ce que j’avais de plus beau… Et je.. Je peux te jurer que tu ne vas pas t’en tirer comme ça… 

Titubant toujours, Joakim ressort de cette maison où il étouffe de plus en plus, la respiration saccadée, pas loin du malaise, il en a des vertiges, de ces conneries, 

Son frère. Son plus grand allié. Sa petite amie.

Ses trois plus solides piliers. Envolés !

Dixit leurs propres mots, il était mort pour eux.

Sous le choc de ces pertes, il erre péniblement en ville aussi lentement qu’une tortue handicapée, jusqu’à ce qu’il constate devant lui la devanture d’une petite épicerie ouverte jusqu’à tard la nuit. Ici, il achète une bouteille de whisky. Il va la boire seul dans la rue. Cela lui changera les idées en lui faisant penser à autre chose, ou l’embrumera jusqu’au lendemain en l’aidant à oublier.

It can’t be true. That’s im losing you…

~ 379 ~

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Titubant, un peu léthargique et dans une sorte d’état second, pas vraiment conscient de ce qu’il est en train de vivre, Joakim se rend chez la seule figure qui peut encore le recevoir. Désemparé, perdu, anéanti et au fond du trou, il se traîne lentement au domicile de Kristofer, clairement à contrecœur, car cet ami-là était loin d’être son premier choix aujourd’hui, mais en avait-il un autre désormais qu’il venait de perdre ses plus précieux et importants repères ?

Bien entendu, il ignore que c’est lui qui a tout révélé à sa rouquine, et ce n’est pas l’accolade chaleureuse qu’il lui offre qui pourrait le mettre sur la voie. Varels est en effet plus qu’adorable avec lui et c’est avec énormément de gentillesse et de douceur qu’il l’escorte jusqu’à son salon pour qu’ensemble, ils s’assoient sur le canapé pour vider quelques verres, discuter de tout et de rien, tout en fumant un petit joint, comme à l’époque. Aaaah, ça lui avait manqué. Kristofer est aux anges, de récupérer ce soir des bribes de son ancienne vie. Il a l’impression de renaître !

Pour cette raison, il est d’ailleurs très bavard. Trop heureux de retrouver son ami, il n’omet aucun détail des péripéties récentes qui ont secoué sa vie dernièrement et ce n’est qu’au bout d’un long moment de tirades en solitaire qu’il finit par poser un regard sceptique sur son ami qui est trop silencieux à son goût. Cela ne ressemblait pas au jeune Bauer, d’être aussi éteint en soirée !

Joakim restait en effet assis en se tenant la tête du bout des doigts et si Kristofer l’observait avec attention, il pouvait constater que son visage était légèrement humide . Un discret filet de larmes avait dégouliné lentement dessus…

Le jeune homme n’en revenait pas, il en était choqué. Son cœur se fendait brusquement en deux, car c’était la première fois qu’il constatait ce roc inébranlable pleurer. Cette vision le faisait crever de culpabilité. Il avait tellement mal d’être sans doute responsable de cela lorsqu’il lui avait retiré cette fille qu’il aimait donc réellement et sincèrement. Kristofer n’avait pas prévu cela, il pouvait le jurer. Il n’aurait jamais pensé que l’éloignement de la garce rousse puisse avoir de telles conséquences.

Jamais encore il n’avait vu le jeune Bauer dans un tel état de détresse, aussi amorphe, vide et désemparé, c’était comme si le concerné était mort aujourd’hui… Et toute cette souffrance, Kristofer ne pouvait assumer en être responsable. Il avait « cassé » en petits bouts l’une des personnes les plus chères à son cœur, si ce n’était la plus importante…

Il en souffrait tellement de réaliser son crime que d’un coup, sa culpabilité et sa honte dépassant sa mesquinerie, il avouait brusquement à haute voix qu’il était l’unique responsable de toute cette « merde ». Dans un moment de folie et d’égarement, il avait tout balancé à Trisha Hill.

 Mais il s’en voulait tellement. Il regrettait terriblement et se mettait à pleurer de désespoir.

Il implorait le pardon de son ami ! À aucun moment, il n’avait réfléchi aux conséquences de ses actes, à aucun moment, il n’avait voulu le briser ainsi, à aucun moment, il n’avait réalisé à quel point cela pourrait l’affecter ! Il n’avait fait qu’agir sous impulsion, très stupidement et il en avait conscience… Pour lui, Trisha Hill n’était qu’une gêneuse, une passade dans la vie de son ami !

Oh mon dieu, qu’il s’en voulait et en crevait.

À genoux désormais, il continuait de s’excuser. Qu’avait-il fait...

Tremblant de tous ses membres, il suppliait qu’on lui pardonne l’inexcusable. Il avait tellement honte d’être un ami aussi mentalement dérangé. 

Pour justification, il narrait vite fait l’état de sa propre vie amoureuse avec Shane Helms. Il avait été tellement malheureux récemment que dans un moment de folie, il en avait voulu à celle qui lui piquait son meilleur ami parce que dans les moments noirs de sa vie, il n’avait plus eu son grand allié pour surmonter ses propres « merdes ». Il avait été tellement égoïste et en mourrait de honte, c’est tout ce que ses justifications vaseuses et maladroites répétaient en boucle d’une voix tremblante entrecoupée de sanglots. Son monologue plaintif en était presque inaudible à cause de ses larmes et reniflements, mais Joakim en avait retiré l’essentiel…

Mais trop choqué et amoindri pour y réagir, il préférait observer ses doigts mouillés de larmes pendant quelques secondes, avant de s’essuyer furtivement les yeux. 

L’air ahuri, il avait l’allure d’un autiste alors qu’il se réalisait en train de pleurer, l’image en était cocasse. On aurait pu croire qu’il avait fait ce soir une grande découverte. « Mon dieu, il y a eu de l’eau sur mon visage, mais qu’est-ce que c’est que ça ?! ». L’air bête et perdu, il reniflait peu après en inspirant un grand coup, complètement désabusé par tout cela. Que se passait-il. La situation lui échappait. Il n’était plus maître de rien et perdait le contrôle.

Sa respiration devenue faible et son esprit tournant au ralenti, avec ces uniques images qui défilaient en boucle, celles des gens qu’il avait perdus récemment. Son frère, son plus grand allié et désormais cette fille a laquelle il tenait tant. Son monde entier volait en éclats et il n’y pouvait rien. Tant d’impuissance. C’était cette accumulation-là qui déclenchait cette effroyable montée de liquide lacrymal, c’était cette douleur-là qu’il n’avait encore jamais ressentie. Trop trop trop d’accumulation, tout cela était trop, trop, trop… On peut en supporter un peu, mais pas tant que ça. Il ne fallait pas déconner, cela faisait trop, là. Trop. Trop. Trop de pertes…

Il commençait à en suffoquer. Cette douleur trop laide le prenait à la gorge en lui triturant l’estomac, tandis que Kristofer continuait de s’excuser en déversant des litres et des litres de larmes, mais c’était à peine si Joakim réalisait sa présence.

Trop de souffrances, trop de solitudes, trop de pertes, trop de bourdonnements dans les oreilles, trop de trous noirs, trou de douleur entre les cotes, trop d’estomac noué, trop d’étouffement, trop, trop, trop…

À l’aide !

Sans un mot et patraque, il se relevait du canapé en titubant à moitié, puis soufflait d’une voix faible à son ami,

 – Tout ça, c’est de ma faute…

L'Améthyste